Exposition duo Révolution à Barbizon entre Simon Pasieka et anne-Sophie Yacono, galerie RDV, Nantes 2019

Photos : Matthieu Hague et Anne-Sophie Yacono

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Cratère
S Pasieka source 200x250 huile toile 2018
Révolution à Barbizon

Bonjour chers hôtes ! Ma raison sociale est Anne-Sophie Yacono, j’aime bien la peinture, les paysages et les fleurs.

J’ai été élue pour vous proposer, certainement pour ce genre de critères, cette exposition en invitant un artiste plus émérite que moi (qui aimera aussi la peinture, les paysages et les fleurs, assurément). Telle est l’épreuve de la galerie RDV en cette saison !

J’avais un peu peur de ne pas aboutir : c’est pourquoi je me suis mise en quête de l’artiste perdu en me confondant dans la contemplation de paysages fleuris, et cela depuis ma fenêtre d’appartement de centre ville en vis-à-vis rapproché avec d’autres citoyens de la plèbe…

Puis je me suis assise dans mon douillet canapé environnée de coussins, bien au chaud, sobrement vêtue d’une longue robe de lorelei true total darkness dungeon chic, en me disant que j’allais vraiment… ga-lé-rer. J’ai même failli en avoir des vapeurs !

Mais, à ma droite, dégueulant de mon étagère consciencieusement bien rangée, j’ai aperçu le recueil d’images d’une des ostensions culturelles de Simon Pasieka.

Celui-ci me l’avait offert lorsque que j’ai eu l’inestimable et mirifique honneur de visiter son atelier après une si brève rencontre au vernissage d’une illustre artiste peintre, ma très chère amie Marianne Pradier. Oh là là ! Oui c’est assez fou ! J’allais à la rencontre de ma condisciple, et hop ! Le lendemain je visite un atelier de grand standing sans me poser de questions !

J’ai regardé le catalogue d’exposition, que j’avais déjà parcouru par le passé.

Les peintures sont très colorées, les images admirables. En tournant les pages je me remémore les éléments dont je fus témoin.

Malgré le fait que cela fusse un peu antithétique de ce que je réalise dans ma propre pratique : peintures au cadre bien déterminé par le châssis, peintures réalistes, personnages entiers (pas du death métal* en peinture** quoi) ; j’ai senti que cela pourrait être pertinent de confronter ses toiles à mon travail sans vraiment comprendre pourquoi… à l’époque.

Du coup je l’ai convié sans me poser de questions. Et il a donné suite à ma requête !

Trêve de barbizonneries boudouresques !

Je pense qu’avoir regardé son travail régulièrement fait que cela m’a paru plus familier, mais j’aime bien aussi le fait que dans sa peinture on ne s’attende pas trop à voir ce genre de personnages : ils ont l’air de paisibles zadistes peace and love, qui vivent dans un squat paradisiaque où tout serait naturel et fluide, en jouissant pleinement de leur existence corporelle.

Rien que ça.

Il pourrait s’agir d’un paysage post-apocalyptique ou post-temps où ces personnages aux corps très bizarres, presque pas vivants car au dessus de tout ça (d’ailleurs ils font certainement pas caca), font des actions simples qui semblent pour eux purement jubilatoires et qui les absorbent complètement. Si dans certaines peintures ou certains dessins il y a une ombre, une source d’inquiétude, toujours un élément nous ramène à cette forme d’insouciance légère que montrent les personnages.

Je trouve ça assez rigolo de montrer ce style de vie comme étant un idéal auquel tendre. Il semble accessible du bout des doigts être sans l’être vraiment que pour peu de personnes.

Déjà vivre nu sans que les saisons nous affectent…

Mais c’est post réchauffement climatique aussi ? Est-ce le futur ?

Il y aura-t-il une révolution ? Destruction du monde ? Ou du moins assisterons-nous à la fin de ce que l’on connaît ?

A côté de cela est ici représenté Chatteland, le monde que j’ai créé. C’est le monde animal bien vénèr qui ne peut pas être pur ni fini, il est monstruosité de base. Une espèce de pays-dieu sans contrôle et sans lois. L’incarnation du vital pur, du sursaut de l’animal affamé ingérant ce qu’il peut : le « -vore ».

En regard du monde de Simon il est juste chair à vif, prêt à jouer des coudes pour survivre et à se fritter grave les ovaires.

Il veut sa vengeance et passe par tous les états de séduction pour détruire.

Je trouvais aussi marrant de ramener dans une galerie d’art contemporain de la peinture réaliste, se basant sur des décors de peintures classiques du 17ème pour les travailler de manière contemporaine, comme le fait Simon par le truchement subtil du détail. De plus, mes sculptures et peintures semblent être le résultat de ce qu’il arriverait si ce genre d’art avait subi un léger passage au hachoir.

Barbizon était la bourgade où sont nés les premiers impressionnistes. Ils y ont succédé aux paysagistes qui l’avaient auparavant inondé par vagues, en voulant peindre en plein air et travailler depuis nature. Maintenant c’est devenu un arrêt de vacances pour personnes fortunées avec pleins d’hôtels.

Simon semble reprendre cette base mais y calle des personnages avec des indices indiquant clairement qu’ils sont plus proches de notre monde actuel, du troisième millénaire.

C’est pour ça qu’on parle de « Révolution à Barbizon » : un concours de barbouillages pour ceux qui s’essuient les lèvres délicatement avec de la dentelle après avoir mangé ainsi que pour ceux qui engouffrent en en jetant partout, invitant les souris, les cafards et les parasites de tous bords à visiter les miettes.

À grand concours de chevalets, de pinceaux, de palettes, toiles sur châssis, Simon remet à la peinture ses lettres des noblesse et Chatteland broie les quelques toiles, pinceaux, palettes et le peintre avec, puis vomit le tout pour finir par un joli rototo (comme le cratère qui s’est ouvert au milieu de la galerie et dont la lave humaine a craquelé partout).

Sous le signe de l’explosion, la jungle aussi s’étend afin d’engloutir les visiteurs et n’en faire que des barbouillures épluchées.

La peinture veut sa revanche.

Ce n’est pas du plaisir / le pire / finir / mourir / du désir

/POUR DE RIRE !!!

Nous proposons la peinture dans sa recherche de la perfection inégalée et inégalable en face de sa recherche dans l’imparfait séduisant (comme quand on fait un bisou à un bouc noir ailé avec une tribite peu rassurante). Elle frise ici la science fiction en se projetant dans le futur, voire en dehors du temps et de l’espace.

« Si je devrais brosser l’image des artistes en cent ans, je pense que ça s’approche de l’idée que Joseph Beuys avait de la société : tout le monde sera artiste et les machines travailleront pour nous, nos besoins et nos désirs premiers. Mais pour le reste, ce vide sans fond de l’humain, les survivants de notre espèce s’occuperont tous à tenter de devenir artistes. »  Simon Pasieka

On a dit science fiction !

On aurait aussi pu parler plus précisément d’art apollinien en face du dionysiaque mais c’est chiant à mort donc on va s’arrêter là.

*Death métal = sons beaux et harmonieux en purée

**Ma peinture = couleurs harmonieuses et belles en purée

Anne-Sophie Yacono, 2019

http://galerierdv.com/articles/archives/revolution-a-barbizon